Les chaînes alimentaires courtes réduisent l’écart entre les producteurs et les consommateurs, mais lorsque les denrées alimentaires sont commercialisées à travers les grossistes et que les supermarchés vendent leurs propres marques, des efforts sont activement déployés pour rendre les agriculteurs anonymes.
Je ne m’en suis vraiment jamais rendu compte jusqu’au jour où Vera Kuijpers, de la ferme et magasin biologiques Het Eikelenhof, dans le nord-est de Limburg, m’a raconté sa dernière expérience avec Biofresh, l’un des plus grands grossistes en Belgique.
Tous les jeudis, à 4 h 30, Vera et son mari Johan Hons chargent leur fourgonnette de légumes fraîchement récoltés et d’autres produits et parcourent 100 km pour les vendre à Biofresh et à quelques autres endroits.
Récemment, ils ont apporté plus de 60 caisses de nouvelles pommes de terre. Leur Aloette rouge est une variété de pomme de terre ferme et délicieuse qui résiste à la maladie à Phytophthora commun. Chaque caisse est joliment étiquetée avec le nom de famille de Johan (Hons) et le nom de la variété.
« Dès que nous livrons les caisses, le personnel de Biofresh enlèvent nos étiquettes et mettent la leur de sorte que les gens qui viennent acheter les produits biologiques ne sachent pas qui les a produits. Mais cette fois-ci, ils ont aussi enlevé le nom de la variété », dit Vera. « Ils indiquent seulement ‘pomme de terre rouge’. Je me demande vraiment pourquoi ils le font. »
Vera et Johan désapprouvent vivement cette nouvelle pratique, car on ne peut pas comparer une variété rouge à toutes les autres.
« Si les clients du supermarché veulent acheter la délicieuse Aloette, une semaine, ce pourrait être cette variété, mais l’autre semaine, ce pourrait être une autre variété rouge qui a un goût très différent ou qui n’a pas bon goût. Ils pourraient tout simplement cesser d’acheter les pommes de terre rouges, ainsi l’agriculteur qui produit la variété Aloette ne pourra plus vendre ses pommes de terre », dit Johan.
Du point de vue du producteur, il a sûrement raison.
Lorsque je discutais de cette question avec ma femme, Marcella, elle a fait remarquer que le contraste avec la manière dont Oxfam commercialise les produits issus du commerce équitable est très frappant. Sur pratiquement tous les emballages, on peut voir le visage d’un agriculteur et souvent une expérience personne qui l’accompagne. Les supermarchés vendent également des produits issus du commerce équitable et apparemment, ils n’ont aucun problème avec une touche personnelle occasionnelle.
Il est peu probable qu’un buveur de café en Europe rencontre un grand nombre de producteurs des café des lointains hauts plateaux d’Afrique ou d’Amérique latine. La photo et le descriptif sur l’emballage de café sont une simple connexion virtuelle.
Il n’y a aucun risque que les consommateurs puissent acheter directement des producteurs, tandis qu’un détaillant belge ou un consommateur pourrait contacter un agriculteur au Belgique.
Il est important de nommer les agriculteurs et les variétés lors de la commercialisation des produits, car cela permet aux consommateurs de s’identifier aux aliments qu’ils mangent et aux gens qui les produisent. Alors que de plus en plus de consommateurs se tournent vers les magasins à la ferme, les marchés d’agriculteurs et d’autres chaînes alimentaires courtes, les grossistes et les supermarchés prennent des mesures pour rendre anonymes les agriculteurs et les variétés.
Les agriculteurs sont des concurrents potentiels et les grands acheteurs veulent s’assurer que les consommateurs ne rencontrent jamais ces derniers. C’est comme un secret commercial pour rester en affaires, mais aussi une autre tactique qui affaiblit la capacité des agriculteurs à négocier les prix avec les intermédiaires et les supermarchés.
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