À cette époque où de nombreuses sociétés ont adopté la restauration rapide et les plats cuisinés pratiques, c’était agréable de regarder récemment un documentaire lors d’un vol de retour à la maison avec de la Korean Air. Le film montrait comment les citoyens, les chefs et les scientifiques du monde entier prennent de plus en plus conscience de l'importance d’encourager et de promouvoir les cultures alimentaires locales.
Dustin Wessa, le présentateur du documentaire « The Chef of Time », un chef américain qui vit en Corée depuis 15 ans, est spécialisé dans les aliments et les boissons fermentés, tels que Makgeolli, un vin de riz laiteux et légèrement mousseux.
Dans son discours d'ouverture, le sympathique chef explique dans un coréen courant que les goûts les plus complexes ne sont pas créés par les personnes, mais par des millions de micro-organismes (levures, bactéries lactoacides et moisissures) qu'il appelle de manière ludique des « micro-chefs ». Si nous voulons recourir à l'aide de cette armée de cuisiniers, il nous faut du temps et de la patience, ce que Wessa nomme les ingrédients clés pour la préparation de délicieux plats et boissons.
Tout en montrant la beauté de la nature et en ramassant une poignée de terre forestière, Dustin Wessa illustre la riche diversité des micro-organismes et explique qu'ils sont tout autour de nous : dans l'air, dans le sol, sur les plantes et partout sur la planète.
Un scientifique coréen explique dans un langage profane que la fermentation et la décomposition sont fondamentalement le même processus par lequel les micro-organismes décomposent les composants de la nature. Mais contrairement à la décomposition, la fermentation profite immédiatement aux gens pour la conservation et la production des aliments.
Il y a environ 4 000 ans, les premiers pains fermentés ont été fabriqués en Égypte. Très probablement, des levures naturelles volant dans les airs avaient atterri sur de la pâte de blé qui était conservée à l'air libre. À partir de ce moment, les levures feront partie du levain, faisant lever la pâte.
Alors que de nombreuses sociétés à travers le monde ont développé indépendamment des techniques de fermentation, ce n'est qu'au 19e siècle qu’on a commencé à comprendre que les micro-organismes provoquaient la fermentation ou la détérioration des aliments et des boissons. (La découverte du microscope a permis à Louis Pasteur d’étudier la fermentation microbienne et de comprendre comment la chaleur tuait les bactéries. Cela a mené à la naissance du mot « pasteurisation »).
Dans de nombreux pays à travers le monde, une seule espèce de levure commerciale est utilisée pour la fabrication du pain, de la bière et du vin, à savoir Saccharomyces cerevisiae. Différentes souches de ce micro-organisme fongique unicellulaire sont multipliées en grande quantité dans les laboratoires pour servir à des fins différentes. Les micro-organismes dans l'industrie alimentaire sont devenus un ingrédient coûteux. Chaque année, la Corée dépense des millions de dollars pour importer de la levure pour son industrie très populaire de boulangerie et de pâtisserie.
La recherche sur les micro-organismes dans la nature est une tâche complexe, car il existe des millions d'espèces et d'innombrables interactions entre elles et leur environnement. Jusqu'à présent, on a identifié environ 1 600 espèces – une petite fraction des 150 000 espèces utiles estimées – qui ont une importance économique dans la conservation et la préparation des aliments partout dans le monde.
Lorsque les scientifiques coréens ont découvert une levure locale qui pouvait être utilisée dans la fabrication du pain, ils l’ont rapidement multipliée en grande quantité et commercialisée, permettant ainsi au pays d’économiser des millions de dollars.
Le documentaire rend justice à l'importance de chérir la diversité microbienne locale en plaçant tout cela dans une perspective mondiale. Lorsque le monde entier dépend de quelques espèces commerciales pour préparer les aliments, notre système alimentaire devient très vulnérable et sujet aux aléas des intérêts commerciaux et politiques.
Pour éviter de commettre les mêmes erreurs qu'avec les semences des grandes cultures vivrières, qui sont entre les mains de quelques grandes entreprises, nous devons nous assurer que les micro-organismes locaux demeurent un bien public, protégé de l’emprise du secteur privé. Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons garder vivantes les cultures alimentaires locales.
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